Ma fille! Ressemble-t-elle � cette femme qui captura mon coeur pour le broyer de ses mains? Cette suppos�e s�paration n'�tait qu'un fa�ade pour me quitter. Exasp�r�e par mon temp�rament trop s�rieux et mon manque d'humour, elle avait depuis longemtps planifi� ce voyage de d�tente. Je l'ai attendue pendant des semaines, voire des mois, n'�tant plus que l'ombre de moi-m�me. Apr�s plusieurs mois de cette soliture torturante, la vie avait perdu sa saveur. Je n�gligeais mon apparence autrefois soign�e. Seul dans mon petit appartement, on m'oublia. Mon emploi, duquel je m'absentais de plus en plus fr�quemment, m'amena un jour � me rendre dans le quartier o� je l'avais rencontr�e. Ce jour-l�, j'eus le choc de ma vie. Elle se tenait l�, devant les escaliers, souriant ing�nuement � un inconnu et � un b�b�. Elle se pr�cipita dans les bras de cet adonis. Pendant ce temps, moi, je restais immobile, comme pr�trifi� de la voir heureuse avec un autre homme. Qu'avait-il de plus que moi? Question classique. Pourtant, je n'arrivais pas � comprendre ce qu'avait de plus que moi cet homme aux cheveux longs. Puis, je jetai un coup d'oeil � mon reflet sur ma voiture. Je m'aper�us tel que j'�tais: malpropre, mal habill�, une barbe n�glig�e, et surtout une bouche aust�re n'ayant jamais connu les bienfaits d'un rire franc et d�cha�n�.
Alors, je vis s'allumer dans mes yeux une flamme de rage. Une jalousie se mit tranquillement � grimper jusqu'� mon cerveau et d�r�gla toute la s�r�nit� que j'avais r�ussi � y implanter. Une rage imp�rieuse me poussait � entreprendre ma dulcin�e et � la questionner sur cet homme qu'elle avait tout bonnement abandonn� � son chagrin. De tout fa�on, reconna�tre l'homme aim� depuis l'adolescence en ce vendeur froid et imposant aurait �t� un tour de force pour ma bien-aim�e. Cependant, je me tus. Ma timidit� d�raisonnable triompha de ma col�re et je partis, pour mieux revenir...
Maintenant, je regarde intens�ment cette lettre humect�e de mes larmes de souffrance qui, pour un instant, a fait revivre ces souvenirs d�laiss�s par ma m�moire. Tel un serpent venimeux, les remords se frayent un chemin parmi les tortueuses lignes de ma conscience et envahissent rapidement mon corps entier. D'un pas r�solu, je marche vers ma cuisine o� tr�ne de la vaisselle r�pugnante et je prends un couteau bien aiguis�.
En expirant, je pense � ma fille ch�rie: jamais je n'aurais eu la force de lui avouer que sa m�re �tait morte de ma propre main.
Par Karine Gendron, secondaire 5